Anagrammes renversantes ou Le sens caché du monde

Avez-vous écouté La Terre est-elle une planète exceptionnelle ? la dernière Conversation scientifique d'Étienne Klein...

Elle s'achève sur une interrogation un brin poétique : Qu'est-ce que la Terre devant ces vallées supérieures de pétillement d'étoiles ?

La réponse se trouve dans Anagrammes renversantes, un ouvrage apparu dans la galaxie Elgaxia en 2011. L'auteur en est Jacques Perry-Salkow ; on le connaît bien. Après Anagrammes pour sourire et rêver - où il s'attaquait aux noms des personnalités - il a décidé d'innover en s'associant à un physicien - en l'occurrence Étienne Klein, eh oui ! - pour ajouter des commentaires aux anagrammes.

Déjà... s'intéresser à la physique, observer le ciel étoilé ou des clichés de nébuleuses, ça nous rend toujours un peu philosophe et poète. Les anagrammes nous emmènent-elles encore plus loin ? À vous d'en juger :

La vitesse de la lumière = limite les rêves au-delà.

La théorie des supercordes = de la poussière d'orchestre

Voilà bien un agencement de lettres dont la perfection laisse songeur. De là à dévier vers le créationnisme... ! En tout cas, devant ce génial spectacle, on se passerait presque de commentaires, désolé Étienne Klein !

De surcroît, Anagrammes renversantes se révèle très agréable à lire, avec sa belle typographie et son épais papier blanc écru. Félicitons Les éditions Flammarion = L'arôme des mots à l'infini ! ça ne s'invente pas, il faut dire qu'avec les anagrammes c'est comme en chimie : rien ne se perd, rien se crée, tout se transforme.

Et l'arôme des mots a toujours une part de sel. Ainsi Le docteur Guillotin = Il en rougit du collet. Comme quoi tout ne relève pas de la physique dans ce bouquin, même si dans le cas présent, la guillotine est une terrifiante utilisation de la gravitation universelle...

Jacques Perry-Salkow est un virtuose et ne peut s'empêcher de le prouver, et tant mieux. Rien de tel pour cela que l'exercice de bravoure de l'anagrammatiste : l'anagramme longue.

Jean-François Champollion, conservateur du département d'égyptologie au musée du Louvre ... en trouver l'anagramme semble tâche pharaonique. Relisons plutôt les mémoires dudit égyptologue : « À la lueur fauve d'un gros lampion dépoli, et gouvernant mon émoi, je décrypte des cartouches.» 

Cette révélation du déchiffreur des hiéroglyphes vient à point nommé pour illustrer le sous-titre du livre Anagrammes renversantes, à savoir "Le sens caché du monde".

Notons aussi une forme d'anagramme particulièrement novatrice - que je me permets de baptiser "anagrammes brisées", car elle rappelle les rimes brisées. Voici donc deux vers anagrammes, chaque hémistiche étant l'anagramme de son homologue :

Théodore Géricault : Le Radeau de la Méduse
L'orage déchire tout … au-delà de la démesure.

Triste souvenir de 1816. Une centaine de marins finirent noyés. L'eau est mortelle. Les scientifiques auraient-ils tendance à l'oublier, eux qui cherchent avidement des traces d'eau dans l'univers ? L'eau, source de la vie, ou, pour reprendre les mots d'un spécialiste, le commandant Cousteau, « tout commença dans l'eau ».